Les générations d'hellénistes les plus remarquables qui se succédèrent pour sonder et traduire l'Illiade d'Homère, furent frappés par cette évidence : sur les dix ans de la guerre de Troie, l'Aède ne s'est préoccupé que de la colère d'Achille, ce qui ne représente qu'un peu plus de 15 jours. Outre le béguin évident du poète pour le blond achéen – l'amoureux conteur semble ne vouloir narrer que les moments mettant en valeur son favori- , cette ellipse narrative traduit une volonté marquée de ne relater que les moments décisifs de cette guerre qui contrairement à ce qu'une lecteur phonétique pourrait laisser supposer aux lecteurs peu au fait des choses de la guerre – tout le monde n'a pas la chance d'avoir pu lire Sun Tzu et Jacques Attali -, opposa deux camps. Or si cette médiocrité, cette facilité que prend Homère en se contenant de raconter les éléments intéressants d'une histoire, a pu passer inaperçu durant deux millénaires d'un obscurantisme crasse fondé sur la recherche de la perfection artistique au travers d'un labeur violent, et entrainer une fascination aussi banale qu'imméritée pour le conteur grec, la littérature contemporaine ne peut se laisser abuser et bafouer dans son honneur viril par l'évidente débilité de ce conte pour enfant.
Car aujourd'hui, la littérature est à son apogée et dorénavant le bataillon de myrmidons, la pléiade que constituent nos auteurs modernes – tel Marc L. dont la fresque d'aventure composée de deux œuvres dont les litres se répondent dans une mystérieuse dialectique que seul les initiés les plus subtils peuvent entendre ( Le Premier Jour ; La Première Nuit ), balaye les Trois Mousquetaires de Dumas, et l'Anabase de Xénophon dans un même geste méprisant et outré et dont la production dépassant le livre par an, ne peut que révéler une imagination débordante et inespérée faisant de lui le chef de file des génies contemporains – a permis aux lettres de rentrer dans l'âge mur. Aujourd'hui, la littérature ne se contente plus de raconter avec ce style et ce labeur chers à Céline – style et labeurs qui doivent dorénavant être rangé aux rangs des apparats des auteurs rétrogrades et non-productifs, par conséquent, dépassés – des aventures et des histoires palpitantes, enivrantes, captivantes pour le bonheur élitiste d'une caste d'individus méprisant et hautains sachant lire et écrire. Elle a dépassé ce stade anal de l'écriture et développe maintenant un genre narratif où l'auteur presqu'aussi illettré que son lecteur, raconte des histoires répétitives, banales, lassantes, insipides et stériles et pour que le lecteur puisse bien saisir à la fois, les besoins modestes de ces plumes « populaires » et le caractère systématique et non-imaginatif de leurs écrits, font en sorte par un habile jeu de copier/coller, de produire au moins un livre par rentrée littéraire.
Bref, l'auteur revient aux sources de son art en dépassant dans une logique hégélienne, ce même art, et ne produit plus rien qui n'est déjà été produit et essaye de ne faire que répéter des échecs romanesques construits sur un canevas communs évident et idiot afin de se rapprocher des gens dont il s'est fait le porte-parole et le porte-monnaie en ne leur offrant que des moments de lecture qu'ils connaissent déjà.
Face à cette évolution heureuse, inéluctable et nécessaire de la littérature, il est évident que le texte facile de l'Aède doit être re-forgé. Et c'est l'auteur bien connu et génial dans sa cohérence avec le style dominant de l'époque, Guillaume M., qui s'est offert pour ce dur labeur. Il a entrepris de relater dans une série de livres successifs composant une fresque majestueuse dont le titre original ne peut que surprendre le lecteur le plus intelligent – La guerre de Troie aura lieu et sera publiée - l'intégralité de la guerre mythique. Ces tomes relateront par morceau de quinze jours les différents faits non-significatifs et désespérant de médiocrité narrative d'une guerre – attaque, défense, bataille, mort, repos, attaque, défense, bataille, repos, etc. - en insistant sur l'aspect psychologique et sentimentale des personnages les plus importants. Ainsi, il ne saura pas fait mention des esclaves des héros grecs puisque cela serait renvoyé aux moments historiques encore brulant et douloureux de la traite à l'époque héroïque, ni de la sexualité de ces mêmes héros afin de ne pas choquer le jeune lecteur et l'auteur a pris soin de se concentrer sur des personnages du communs – cuisiniers, laveurs de vitre, maçons, etc. - afin de permettre aux lecteurs populaires de s'identifier à ces héros tout en leur faisant vivre des aventures extraordinaires – nous ne révéleront pas la façon merveilleuse dont le maçon Thomas Dupont ( les noms ont été francisés dans un souci d'identification ) a retrouvé sa chère et tendre Collette qu'il croyait morte mais qui en fait, ne l'était pas conformément à ce qu'il avait toujours cru – pour offrir aux lecteurs des instants magiques. Ces récits permettent ainsi la production somme géniale composée de 260 livres qui grâce à l'emploi judicieux d'un traitement de texte – une baille est une bataille : il suffit d'un texte à trou et de le compléter avec un logiciel adapté – seront publiés en l'espace de deux ans.
Nous ne pouvons qu'encourager le lecteur moderne assoiffé de découvrir ces histoires ineptes et inutiles à aller acheter le premier tome dont le titre traduit encore une fois le génie de nos auteurs – La guerre de Troie aura lieu et sera publiée. Tome 1 : les Quinze Premiers Jours de la Guerre de Troie qui aura lieu et sera publiée – relatant les quinze premiers jours de cette guerre qui dura dix ans. Nous ne pouvons que nous féliciter que le facilité grecque soit remplacée par l'efficacité inutile contemporaine.
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