Ainsi des hommes : une génération née à l’instant où l’autre s’efface. ( L’Iliade, Homère )
La mort est le lot de tous les hommes : malgré des tentatives désespérés, le noir trépas nous emporte toujours sur les rives du Styx. Pourtant, l'homme n'a pas pu se résoudre à cette fatalité qu'il combat avec véhémence depuis des lustres ancestraux. Les mythes et les religions créèrent des paradis, des vies après la mort où l'homme survit à sa propre fin. Cette tentative de survit semble atteindre la mort dans toutes ses conséquences: ainsi, l'homme se bat-il aussi contre l'oubli, la seconde peau du sombre Thanatos. Car l'homme est bel et bien condamnée à mourir deux fois : quand tous ceux qui l'ont connu, id est deux ou trois générations après la sienne, ont eux aussi été emporté par les déesses du funeste voyage, l'homme disparait dans la masse des hommes qui ont parcouru la terre et qui aujourd'hui ne sont plus q'une masse morte de chair pourrie.
Alors l'homme s'agite : il fait des enfants, recherche ses origines dans l'espoir de continuer d'exister en tant qu'ascendance ou descendance d'hommes qui ne lui doivent rien. La passion de la généalogie actuelle trouve l'une dans ces causes dans cette volonté d'exister par rapport à d'autres en dehors du temps et de nier ses outrages. Tout cela n'est qu'agitation. Même en admettant que ses descendants s'intéressent à leurs origines, saisis eux aussi par l'effroi de l'oubli, il ne sera qu'un noeud dans un fragile arbre. Il sombrera tout de même dans l'oubli seul son nom survivra. Pire que la mort de l'oubli, voici que l'homme resterait sur terre, il ne serait qu'un nom, un fantôme incapable d'exister ou d'agir et qui continuerait d'exister sans n'être rien d'autre qu'un vide fini. Ne vaut-il pas mieux sombrer dans l'oubli que d'essayer en vain de s'agiter et de conserver une illusoire existence ? Je hais celui qui refusant sa mort, s'agite pour survivre.
Car l'homme peut survivre mais au lieu de s'agiter, il doit agir. Le divin Achille a eu ce choix : les oracles dès sa naissance le prévinrent qu'il pourrait choisir de s'agiter, de fonder une famille et de disparaître quand les enfants de ses enfants auront eux aussi disparu ou au contraire d'agir, de mourir contre les dompteur de cavales, les illustres Troyens sans descendance mais de voir sa gloire survivre aux outrages de Chronos le fourbe. Le Péleide choisit la gloire et la mort et nous nous souvenons de ces exploits. Ceux sont eux, les Immortels : ceux dont la volonté outrepasse le confort et la sérénité pour sombrer dans la recherche effrénée de leurs gloires. Ils ont repoussés l'idée de n'être qu'un parmi tant d'autres et ont vécu leurs vies en tant qu'individualité. La généalogie individualise le nom et le protège du temps, l'action individualise l'homme et le protège de la mort.
Pourtant, il ne suffit pas de vouloir pour se protéger de l'oubli, il faut être aussi l'égal de l'homme aux pieds ailés, il faut avoir des talents immenses, du génie et chercher à créer à partir d'eux une action. L'action se différence de l'agitation par son caractère unique : on peut s'agiter de la même façon pendant une éternité mais l'on ne peut agir qu'à un seul instant. Le génie que la volonté pousse est capable de cette acte original et c'est pour cela que l'on se souviendra de lui.
Quand je vois cette myriade de personnes que notre siècle produit à la recherche d'une gloire éphémère, je souris. Elles auront sans doute leurs quart d'heure de gloire mais n'ayant aucun génie particulier, elles s'agiteront et elles plongeront bien vite dans l'oubli. Seul les génies sont condamnés à l'immortalité : Mozart, Homère, Achille ou César nous nous souviendrons de votre vie car vous avez agit alors que nous nous sombrerons dans l'oubli car nous n'avons su que nous agiter.
Nous autre, Mortels, sommes condamnés à l'angoisse de l'oubli et je regarde mourir ces temps mortels auquel aucun homme ne survivra car nous nous agitons sans arrêt et n'agissons jamais. N'allons pas croire qu'il s'agit là de la preuve d'une dégradation de l'humanité : bien des siècles n'ont laissés que des ruines Seuls quelques siècles ont laissés un phare encore en état.
Les générations effacent les précédents : mais est-ce un mal ? Devons-nous conserver le souvenir de notre médiocrité ? Ne devons-nous pas accepter de sombrer dans le sombre oubli et de ne garder que le souvenir de l'exceptionnel ? La génération qui née efface celle qui la précède mais parfois, un homme dépassera cette fatalité : celui-ci est le véritable Héros, l'Homme.
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