lundi 5 juillet 2010

Angoisse et liberté

L'angoisse est le vertige de la liberté. ( Soren Kierkegaard )



Le problème de la liberté humaine est sans nul doute l'un des problèmes les plus fondamentaux de la philosophie, et qui plus est, le point central de la philosophie moderne. Dans nos sociétés modernes, en effet, l'émancipation de l'Homme est le syndrome le plus flagrant de la rupture avec les sociétés passés. Nombreux sont les philosophes à avoir étudié cette question sous les angles les plus variés : les conditions de la liberté, l'évolution de la liberté, le concept même de liberté, etc... Il faut cependant étudier l'effet de cette liberté sur l'Homme lui-même.


L'Homme moderne est bouleversé par l'extension profonde de sa liberté. On l'a dit, les progrès scientifiques ont augmenté considérablement la portée de ses actions et le champs de ses réalisations de même que l'émancipation sociale, culturelle, religieuse, sexuelle, etc... Au final, le champs des possibles de la vie humaine se trouve considérablement étendu et le libre-arbitre humain se trouve si ce n'est libre, du moins plus libre qu'il ne l'a jamais été. A tel point qu'il est permis de se demander s'il existe une limite à l'action de l'imagination humaine.


De fait, l'homme se retrouve libre mais un problème sans précédent se pose. Cette liberté, ce panel de possibilités offre à l'homme une myriade de choix à tel point que Kierkegaard, penseur profondément marqué par cette idée, va parler de « vertige de la liberté » qu'il nommera « Angoisse ». La lecture des oeuvres du penseur danois nous offre une vision aussi pathétique que douloureuse de cette angoisse. Car cette angoisse est décomposable en deux parties.


D'abord, quel est le sens de ma vie si chaque événement est soumis à mon libre-arbitre ? En effet, lorsqu'auparavant les nécessités de la naissance donnaient une ossature à la vie de l'individu ( le serf avait son rôle, la femme de même. Le catholique avait sa théologie, etc... ), ici l'Homme doit construire ce sens, doit le créer pour lui-même. L'Homme face à ce champ des possibles infinis se retrouve à vouloir donner un sens à un monde qui n'en a plus car plus rien n'est nécessaire. L'individu qui auparavant donnait un sens au monde en le fondant sur des éléments nécessaires ( je suis fils de paysan, je serai paysan ) voit disparaître ses éléments nécessaires ( je suis fils de paysan mais les progrès sociaux me permettent de pouvoir être médecin, astronaute ou philosophe ) et ses certitudes. L'Homme doit donc créer ses propres nécessités pour reconstruire ce sens qui a disparu et retrouver des certitudes. Ce qui est absurde puisque le propre d'une nécessité est de ne pas être soumis à une volonté ! A l'absurdité d'une vie sans nécessité se surajoute l'absurdité d'une recherche de nécessité : l'angoisse est donc profonde.


Ensuite, en admettant que l'individu trouve un sens à sa vie, l'Homme se retrouve face à une nouvelle angoisse. Chaque évènement ne reposant plus sur une nécessité, il est donc le fruit de ma volonté. De ce fait, j'en suis responsable. Puisque je suis libre, je suis responsable ( credo de nos sociétés). Je suis donc responsable de mes échecs, de mes erreurs, et de ma médiocrité. Impossible de se rassurer en se disant que je ne pouvais pas devenir médecin car je suis fils de paysan ! Ces excuses ne fonctionnent plus. Quelle angoisse pour l'Homme moderne d'être responsable au plus haut point.


Ainsi, la liberté crée-elle une triple angoisse : l'absence de sens du monde, l'impossibilité de donner un sens à sa vie et la responsabilité de ses actes.

Le suicide ( qui est pourtant notre plus grande liberté) semble donc être la seule solution. Se libérer de la liberté en exerçant une liberté, voilà l'image de l'absurdité du monde.

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