vendredi 16 juillet 2010

Mythe Métaphysique

Il faut qu'elle découvre l'infini, qu'elle apprenne que c'est ce qui est le plus proche de l'Homme. ( Soren Kierkegaard, Le Journal d'un Séducteur )


La métaphysique est une poésie : elle est la création personnelle du monde. Malgré plus de deux millénaires de discussions acharnées, aucune pensée dominante n'a réussi à s'arrimer dans nos esprits. Nous ne sommes d'accord sur rien et cela, non pas parce que nous nous refusons à tout dialogue mais parce que la métaphysique est d'abord un dialogue avec soi-même. Elle est une tentative pour donner une cohérence à notre univers, pour mettre des mots sur notre perception de la sphère de la physis. La métaphysique est une tentative de re-transcription fidèle de notre image du monde. En ce sens, la vérité métaphysique n'existe pas et l'on devrait plutôt parler de poétique métaphysique. La poésie est en effet, le façonnement des mots, la création des mots. « Nos mots sont des vaisseaux qui ne sont capables que de contenir et transmettre signification et sens » disait Wittgenstein. La poésie crée cette signification et ainsi donne naissance aux mots. De la même façon, la métaphysique s'acharne sur la matière pour lui donner un sens et une signification. La métaphysique tente de créer une mémoire du monde : la matière n'a pas de durée, elle est instantanée et pourtant, la métaphysique vise à créer un au-delà où la matière pourrait perdurer comme un absolu. La métaphysique est une œuvre de l'esprit : elle est un façonnement de la matière par l'esprit. La métaphysique vise à faire naître la matière de l'homme. Voilà le paradoxe : l'homme qui ne devrait être que de matière veut créer cette matière. La métaphysique est une genèse du monde. L'homme se prend pour Dieu ou Dieu n'est-il qu'un Homme ? Dieu serait-il l'homme métaphysique ?


Le poète n'est compris que par lui-même car il charge ses mots d'une signification qu'il est le seul à comprendre. Lui seul a vécu sa propre vie et ainsi, lui seul connait le sens de ses mots. De la même façon, le métaphysicien ne peut être compris que par lui-même car lui seul connait son expérience de la matière. La métaphysique dépend donc des choix et des circonstances individuels. Elle est le fruit d'une situation historique : l'homme perdu dans l'immensité du monde tente de s'arracher de la matière pour la surplomber. De son poste azurée, il admire, contemple et ordonne la matière. Quand il redescendra dans la matière, la clameur du monde aura cessé et à la place s'élèvera un chant sépulcrale car cela sera la mort de sa solitude et de sa peur. Ce chant aura-t'il la violence d'une symphonie, la douceur d'une sonate ou la tristesse d'un requiem ? Voilà la liberté de l'homme. L'homme créait le monde à son image en lui offrant la durée. L'homme plonge le monde dans l'infini métaphysique pour lui offrir une éternité. Tant qu'il vivra, le monde perdurera car l'homme métaphysique pourra continuer cette tension, cette création de l'esprit. En ce sens, l'homme est le monde.


Dans l'infini, l'homme métaphysique est transparent à lui-même. L'homme métaphysique est son propre infini, il est sa propre transcendance. Car voilà le secret : l'homme a plongé l'existence dans le Néant originel et a forgé ce Néant. L'Homme est la synthèse de ces deux infinis : la Matière et le Néant. L'homme est infini car s'il cesse d'exister alors la matière cesse de durer. L'Homme donne à la Matière sa profondeur et donne au Néant sa densité. Cependant, n'allons pas croire qu'il s'agisse de la dualité de l'âme et du corps. Au contraire, l'esprit et le corps de l'Homme ne sont qu'un mais ils sont à cheval entre les deux infinis. Ils sont la durée de la Matière et le corps du Néant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire